Sur les conseils du président de la fête du cassoulet de Castelnaudary, nous avons rencontré un des chefs dont la réputation en termes de cassoulet n'est plus à faire. Philippe Solovieff est un Toulousain qui a « surtout vécu dans l'Aude », propriétaire de L'auberge la calèche depuis 1998 à Peyrens, petite commune accolée à Castelnaudary en direction de Revel.
Le cassoulet de Philippe Solovieff. © Justine Bonnery
Harassé de commandes, Philippe mitonne ses cassoulets quotidiennement à coups de trente portions par cassoles. Il nous délivre sa recette personnelle, héritée de sa marraine gersoise, pour dix convives. Commencez par faire tremper un kilo et 30 grammes de haricots lingots dans l'eau pendant deux heures. Jetez cette première eau et remplissez à nouveau « avec de l'eau froide pour démarrer la cuisson, ça permet de désamorcer le haricot pour qu'il évite les bruits incongrus. Et il faut arrêter quand l'eau bout, sinon les haricots vont éclater ».
Les haricots lingots. © Justine Bonnery
Le bouillon
Faites fondre environ 130 grammes de graisse de canard dans laquelle vous ajoutez deux gros oignons finement tranchés. « Ils ne vont pas donner du goût parce qu'à une certaine cuisson ils perdent leur sucrine, ils vont juste servir à donner la couleur à mon cassoulet, vous ne les verrez même pas ». Leur couleur devra devenir « paille foncée », vous avez donc le temps de vous occuper des plats de côtes, autrement appelés dans le coin, « des coustellous ». « Certains mettront de l'échine mais moi je fais à l'ancienne. » Coupez 530 grammes de coustellous en morceaux « de quatre centimètres sur deux » et faites-les revenir dans une autre poêle sans matière grasse, « elle est déjà dans le cochon ». La viande doit être « juste colorée et la graisse de porc juste fondue ». « Le gras et les sucs parfumeront le cassoulet et donneront le goût recherché. »
Les oignons doivent être roussis. © Justine Bonnery
Lorsque vos oignons ont roussi, ajoutez un litre d'eau et faites bouillir dix minutes. Ajoutez vos haricots et recouvrez d'eau. « Il faut trois fois et demi le volume de haricots en liquide. En tout il vous faudra quatre litres de liquide. » Versez-y votre poêle de coustellous escortés de leur jus, 150 grammes de couenne découpée en morceaux et 50 grammes d'ail finement broyé. « Moi je préfère mettre de l'ail blanc, pour sa teneur et son parfum, il fait plus rustique. Mais à défaut d'en trouver vous pouvez mettre de l'ail rose du Tarn ». Versez une cuillère à soupe de sel et la moitié d'une de poivre moulu, « et pas de poudre de poivre qui n'a aucun goût ». Laissez sur le feu 1h15 à 1h30.
En remuant sa grosse marmite, celui qui est aussi membre de la grande confrérie du cassoulet se délecte d'avance du « haricot qui commence à luire grâce à la graisse ». « La couenne va donner le collagène, comme un liant, et à froid va donner comme une gelée autour du haricot », précise-t-il pendant que le bouillon brunit. Une fois le mélange cuit, Philippe laisse la casserole refroidir et présente là un de ses secrets de fabrication : il ne le mettra au four que le lendemain. « Les saveurs vont se reposer, les haricots vont continuer à pomper les parfums et demain on fera une nouvelle cuisson qui libérera encore plus d'arômes ! » Mettez donc votre casserole au frigidaire jusqu'au lendemain.
« Avec cette recette, on remonte dans le temps », sourit Philipe Solovieff. © Justine Bonnery
Le lendemain
En sortant votre casserole, vous découvrirez un bouillon figé devenu gelée. Il est l'heure de prendre votre cassole (l'illustre récipient en terre cuite en forme de cône tronqué), de garnir le fond de votre préparation et d'y déposer des confits de canard et des morceaux de saucisse de porc. « Pour ceux qui ne font pas leurs confits eux-mêmes, je préconise de les acheter cuits sous vide, ils sont plus fermes et moins cuits qu'en boîte », précise Philippe en conseillant de les dégraisser « vite fait » à la poêle sur le côté peau pour les raidir. Enfin, recouvrez de haricots à ras bord. « Avant de le mettre au four, j'ajoute un peu d'eau sur les haricots. » Philippe dévoile là un second secret : « quand l'eau va s'évaporer, les graisses vont remonter et vont former une croûte sur le cassoulet ». Enfournez votre cassoulet dans un four chauffé à 250 degrés (T°7) et lorsqu'il « crépite sur les côtés », baissez la température à 140 degrés pendant 25 minutes supplémentaires.
Chacun sa vérité
« On met tous les mêmes produits, mais chacun a sa vérité, chacun a sa saveur. Moi, c'est la même recette depuis plus de 30 ans, et la même casserole ! » Avec sa recette, Philippe tient à rester « traditionnel ».
« À l'époque il fallait nourrir les paysans, il fallait ressentir le goût du cochon et du canard ! Lisez « Le Festin Occitan » de Prosper Montagné », termine-t-il en faisant référence à cette sentence : « Le cassoulet est le Dieu de la cuisine occitane. Un Dieu en trois personnes : Dieu le Père qui est le cassoulet de Castelnaudary, Dieu le fils qui est celui de Carcassonne et le Saint-Esprit, celui de Toulouse ».
bravo trop délicieux 🐂