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À Lasbordes, Yvette dévoile sa recette des fritons de canard

« Il y a quinze jours, c'était les cochons, maintenant c'est le tour des canards ». Chaque année au mois de mars, c'est la même mélodie pour Yvette. Cette mamie audoise de bientôt 80 ans s'en va à Mézerville se remplir les poches de canards pour préparer des foies gras et autres confits. Comme il est d'usage dans le coin, elle fait valser à feu vif les petites bribes de viande, de gras et de peaux restants pour obtenir de savoureux fritons que l'on mange en salade ou à l'apéritif.

François goûte les fritons de sa femme Yvette, après plus de 3h de cuisson. © Justine Bonnery

« Ici, vous êtes dans la plaine du Lauragais », annonce François, 84 ans. Sis entre Castelnaudary et Carcassonne, Lasbordes est un des vingt-deux villages circulaires de l'Aude*. Si certains se souviennent du patelin pour son mythique festival en présence du groupe Ska-P, d'autres ont plutôt en tête l'affaire rocambolesque de la substitution de la statue reliquaire de Saint Christophe.

Yvette et François vivent à Lasbordes depuis 1973. « On s'est connus à mon retour du service militaire lors d'un bal », raconte François tout souriant. « À l'époque, la majorité était à 21 ans et Yvette venait tout juste de les avoir », continue-t-il. « Cela fera bientôt 60 ans de mariage », annonce avec fierté ce joli couple qui pratique la gymnastique deux fois par semaine.

François et Yvette saluent la Montagne Noire depuis leur jardin potager. © Justine Bonnery

« Il y a 15 jours c'était les cochons, et j'en ai eu pour la semaine », raconte Yvette alors qu'elle entame son « troisième jour de canards ». « Quand j'étais jeune, nous les faisions avec mes tantes l'hiver, mais il fallait tout faire : les zigouiller, les plumer... » alors qu'aujourd'hui, Mamie aux doux yeux bleus a acheté ses canards complètement dénudés à la ferme de Bérengou à Mézerville. « Maintenant je les achète déjà plumés. Là par exemple j'ai pris six canards gras pleins, avec le foie c'est important ! »

La triade gloutonne

Quand Yvette se met à cuisiner les canards, c'est un plan glouton de trois journées qui se met en place. Le premier jour, c'est l'affaire des foies gras. Le deuxième jour, c'est au tour des magrets, des cuisses et des manchons d'être découpés puis mis en bocaux pour égayer leurs futures ripailles. Enfin, dernier jour et nous y sommes, elle stérilise ses bocaux dans la véranda pendant que les dernières miettes de canards entrent en scène !

Les fritons de canard ne sont rien d'autre que toutes les bribes dudit palmipède ! « Je prends les restes de peau, le gras et toute la viande qu'il reste sur la carcasse et je les fais revenir dans leur propre graisse dans ma bassine en alu. » Inutile d'ajouter de l'huile, de la graisse ou du beurre, le friton c'est du gras cuit dans le gracieux jus de son gras ! Et comme on fait honneur à l'animal jusqu'au bout, « avec la carcasse je ferai des rillettes », renchérit Yvette.

Revenons à nos fritons

Pour réaliser ces petites merveilles au pouvoir torride mais calorique, Yvette nous prévient que la vigilance est de mise : « il faut faire de tout petits bouts réguliers mais pas trop gros. Et s'ils sont trop cuits, vos fritons seront trop secs » !

Dans la bassine d'Yvette, le niveau de la graisse fondue commence à monter. Les fritons sont submergés par leur graisse. Après quelques heures de cuisson, elle commence à la retirer et l'enferme dans des bocaux qui lui serviront toute l'année. « Parfois elle en donne aux copines », ajoute François qui ne quitte ni la cuisine ni sa femme du regard.

Yvette retire la graisse fondue au fur et à mesure. © Justine Bonnery

« Lorsqu'ils seront dorés et grillés, là ce sera bon.» Le petit conseil d'Yvette, c'est de mettre le feu doux tout au long de la préparation, et de le monter juste à la fin, lorsque la graisse est retirée. Une fois la cuisson terminée, elle assaisonne sobrement de sel et de poivre avant de transvaser ses fritons dans une passoire.

Ici, les fritons se nomment en occitan « les grateussons** » et le canard « le tiron*** ». « Ils se conservent un mois au frigidaire mais ça n'a pas le même goût, le top c'est maintenant », conseillent les amoureux. Alors tout de go, on fait fi de leur force obstruante pour nos artères et on accueille à bouche ouverte ce gras friand qui fond sous la langue et rend morfal.

« Les grateussons » d'Yvette sont terminés et prêts à être dégustés ! © Justine Bonnery

« Moi la cuisine, c'est pas mon job », sourit timidement François, « mais je l'aime ! Ici on est jamais en peine, il peut arriver trois ou quatre personnes, nous ne sommes jamais peinés ». Le couple va pouvoir déguster ses savoureux grateussons en salade ou à l'apéritif. « Avec une pâte à pain et quelques fritons, vous pouvez aussi faire un genre de fougasse », nous allèche Yvette.

* Nombre de communes audoises adhérentes à l’association languedocienne des Villages Circulaires, dont le siège est situé à Paulhan (34).

** « Les grateussons » se prononce « léï gratéwssous ».

*** « Le tiron » se prononce « lé tirou ».

 

D'autres photographies : #lapopoteapepe #lauragaistheplacetobe

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