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Justine Bonnery

[Villesèquelande] Au pays de l'orme, donnez-moi des farinettes

« Oh les farinettes, ce n'est pas compliqué, c'est de la farine et du lait ! Par contre faites gaffe qu'elle n'y mette pas du vermicelle à la place », braille Pierrot en roulant les R et en parlant de sa femme Paulette. Le couple qui communique essentiellement en occitan nous convie chez eux, à Villesèquelande, pour découvrir la recette des rustiques et indémodables farinettes.

Paulette prépare des farinettes au chocolat dans sa cuisine. © Justine Bonnery

« On est villepintois d'origine », annonce Pierrot. Avec sa femme, ils sont installés à Villesèque', comme on dit dans le coin, depuis leur mariage. « Nous étions viticulteurs, et là nous sommes en congé », rigole-t-il, « je suis né en 30, tu comptes ».

Dans le village, on est fiers de posséder un arbre ayant reçu le Label des « Arbres Remarquables de France ». Planté devant l'église il y a plus de 400 ans, « l'orme de Sully » est un des derniers encore en vie de France. « Et il se dit que les Villeséquois sont solides comme leur orme », relate le couple.

Passage en cuisine

« Voyez, mon mari vient de sortir car il sait qu'il me perturbe », sourit Paulette en versant un litre de lait dans un saladier. À côté, dans une casserole, elle mélange deux cuillères à soupe diablement généreuses de farine, et deux autres de maïzena. À cette préparation poudreuse, elle ajoute quatre cuillères à soupe de sucre, bien que la plupart des livres de cuisine conseillent d'en incorporer « à votre guise ».

Paulette ajoute deux cuillères à soupe de maïzena. © Justine Bonnery

« Pour le chocolat, je fais a bisto de nas », s'excuse Paulette en y mettant l'équivalent de quatre cuillères à soupe toujours aussi copieuses. Ici, le « chocolat en poudre » se dit « phoscao* », du nom de l'antique marque de petit déjeuner chocolaté en poudre.

Dans sa casserole, Paulette ajoute louche après louche le lait froid. Elle remue de façon constante avec sa cuillère en bois « et toujours dans le même sens ». Une fois que tout le lait est versé, elle allume le feu de sa gazinière et s'assure singulièrement de la présence de la flamme en posant sa main sur le brûleur.

Paulette touille durant cinq bonnes minutes avant que les farinettes s'épaississent. © Justine Bonnery

Dès le début de la cuisson, Paulette met le feu à vif. « Maintenant, ça va être un peu long car il faut attendre que le lait bouille. » Après cinq bonnes minutes, les farinettes commencent à s'épaissir copieusement. C'est là qu'il faut agir vite ! Paulette coupe le feu, saisit sa casserole et se retourne pour atteindre la table et verser sa préparation dans un grand plat en verre.

Querelle en cuisine

Vous pensez l'affaire des farinettes accomplie ? Détrompez-vous. Dans l'histoire de ce rustique dessert, il y autre chose... en effet, la dégustation de cet entremet peut s'achever en terrible « bataille de peau ». En refroidissant, le dessus des farinettes crée une épaisse peau - dont la tournure dépendra de votre talent culinaire - et c'est cette même succulente pellicule avec laquelle vous jouterez. Manger des farinettes à plusieurs et dans un seul plat, c'est un peu comme dormir à plusieurs, en plein hiver, dans un lit doté d'un seul édredon.

« Petits avec mon frère, on se disputait cette peau », raillle Pierrot en entrant dans la cuisine aussitôt les farinettes terminées. « Maintenant tu vois, tu prends des langues de chat que tu trempes dedans et tu bois une carthagène, c'est extra », nous affriole-t-il.

 

* Il s'agit d'une préparation à base de phosphate, associée à de la poudre de cacao, produite à la fin du XIXe siècle par les docteurs en pharmacie, père et fils Dardanne. Le nom du petit déjeuner chocolaté devient ensuite celui de l'entreprise.


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