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Marthe, la reine des oreillettes à Lagrasse

C'est une recette qu'elle tient de sa mère, qui elle-même la tenait de la sienne. À Lagrasse dans l'Aude, tous les villageois semblent connaître la belle Mamie Marthe et ses fameuses oreillettes. « J'en fais pour les écoliers, pour les pompiers, pour les lotos ou les kermesses depuis plus de 60 ans.»

Marthe prépare un kilo d'oreillettes. © Justine Bonnery

« J'ai 88 ans et demi ! Mon anniversaire c'est le 4 juillet et ma fête le 29 », s'égaie celle qui mange de tout sauf des cuisses de grenouille. L'entrée de chez Marthe donne directement sur la cuisine où les fourneaux tournent déjà à plein régime. Le pourtour de la gazinière est tapissé de papier journal, la pièce fleure bon les sucreries et plusieurs cagettes attendent, comme des estomacs affamés, d'être remplies. Marthe s'apprête à préparer un kilo d'oreillettes.

« Je ne sais pas si j'en ferai encore longtemps.» © Justine Bonnery

Comme pour le train

« Je mets un kilo de farine ordinaire et je fais un trou au milieu du saladier. Dans le puits, je mets cinq oeufs entiers, une pincée de sel, un sachet de levure et un sachet de sucre vanillé. » Pour les possibles parfums, Marthe liste la fleur d'oranger, le zeste de citron, mais « moi j'y mets quatre cuillères à soupe de rhum ». Elle ajoute ensuite 125 grammes de beurre fondu au micro-ondes ainsi qu'un verre de lait.

Marthe étale de la farine sur la table et pétrit sa pâte fluide avec les mains. « Ensuite, il faut laisser reposer une heure, c'est important. C'est comme si vous deviez prendre le train : si vous y allez une heure avant, le train ne sera pas là... et bien là c'est pareil. » Elle pose ensuite un torchon sur le saladier pour que la pâte ne prenne pas l'air.

Extension des pâtons

L'heure écoulée, Marthe détaille sa pâte en petits pâtons et les étire avec son rouleau à pâtisserie. Elle les coupe ensuite une nouvelle fois pour les rendre encore plus fins et les passe dans sa machine à pâtes au cran n°6. « Si tu ne les rends pas fines comme cela, elles seront comme celles du commerce. Alors j'étire bien avec les mains. Maintenant j'ai le coup de main, ce n'est pas sorcier. Mais il faut quand même tout réussir : la taille, la cuisson... » Une fois sortie de la machine, Marthe n'en a pas terminé avec sa pâte qu'elle continue d'étirer avec des gestes minutieux et maîtrisés.

« Avant nous n'avions pas de rouleau, nous étalions la pâte avec une bouteille en verre ». © Justine Bonnery

Du fouet à la fouée

Pour chaque oreillette, Marthe réalise un aller-retour dans la pièce attenante à la cuisine, où tous les pâtons patientent sur la table. Une tripotée de trophées et d'animaux empaillés trônent autour d'elle et laissent le souvenir de feu son mari chasseur. « Il faut faire avec une poêle qui a de la profondeur, pas plate, et il faut la remplir d'huile jusqu'en haut car à la fin il n'y a plus rien. Ça pompe mine de rien. »

L'opération qui suit va durer une dizaine de secondes : la pâte effectue un plongeon soigné dans le tumulte de l'huile ardente. À l'aide de deux spatules magiques, Marthe fait tourner l'oreillette sur elle-même et la retourne aussitôt. À présent bronzée et solide, l'oreillette est saisie et égouttée puis déposée dans un gargantuesque cageot. « Il faut saupoudrer le sucre dessus immédiatement pour qu'il s'accroche », conseille-t-elle.

« Quand j'ai fini de cuisiner, j'ai fait ma marche car là j'en fais des kilomètres. » © Justine Bonnery

« À l'époque, les oreillettes se faisaient pour le carnaval et on les appelait en patois las bonhetas », explique Marthe en nous préparant un sac à emporter. Aussitôt mise en bouche, l'oreillette crépite sous la dent et laisse gracieusement les doigts pégueux. « Elles se conservent une semaine mais elles perdent de leur craquant, l'idéal c'est dans les jours qui viennent ! »

Avec sa recette et son expérience notable, Marthe met une heure et demie pour mijoter un kilo d'oreillettes, sans compter la préparation de la pâte « ça c'est 5 minutes » et le temps de pause. Sans se dévêtir de son tablier bleu, Marthe clôture cette leçon culinaire par une dégustation d'alcool de guines maison aussi affriolant que ses oreillettes.

« Beaucoup de monde me demande la recette. » © Justine Bonnery



 

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