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Photo du rédacteurJustine Bonnery

[Carcassonne] Les crêpes Suzette de Mamie Nicole

Elle a la gouaille des épicuriens, de ceux qui prennent plaisir à boustifailler, à pinter et à voir leurs convives en faire de même. Elle a 82 années de potages au compteur, un babil débordant de recettes mais pas que, Nicole aime demander votre signe astrologique, cancaner avec ses copines et causer affaires criminelles. Depuis sa maison d'hôte La Maison sur le Colline, avec une vue inusitée sur la cité de Carcassonne, Mamie Nini nous régale de ses crêpes Suzette.

Nicole Galinier mitonne des crêpes Suzette. © Justine Bonnery


« Bon d'abord, on boit un coup de rouge ! » Voilà comment s'entament les hostilités culinaires chez Nicole. Dans sa cuisine tarabiscotée de bocaux, carafes anciennes et cadres photos, deux chats apathiques et « ingrats » attendent leur pitance mollasse. Les ingrédients des crêpes Suzette poireautent sur le plan de travail : 250 grammes de farine, un demi litre de lait, une pincée de sel, deux œufs, une cuillère à soupe d'huile et une de Grand Marnier « qu'on peut aussi remplacer par du rhum ».


L'école des ménagères

Cette recette, Nicole l'a notée en 1955 dans son cahier lorsqu'elle était élève à « L'école des ménagères » de Carcassonne. « L'école se trouvait route de Limoux et était tenue par les Demoiselles Marguerite et Marie-Rose Morel. J'avais 17 ans et c'était drôlement rentable ! On apprenait à repasser, à coudre, à broder, à faire la cuisine et les confitures. À être une bonne ménagère », rembobine-t-elle le souvenir heureux. « Ça m'a tellement plu que j'y suis restée un an de plus. » À ces Dames qui affirmaient : « Mesdemoiselles, le flambeau de l'amour ne s'allume qu'à la cuisine », Nicole aimait leur répondre coquinement « qu'à la cuisine, vraiment ? », gaudriole-t-elle avant de nous lancer un « maintenant les filles, vous ne savez rien faire », sans rigoler.


Aujourd'hui, ce précieux cahier est ouvert sur la table du salon à côté du verre de rouge. Nicole dicte la recette : « faire une fontaine avec la farine et le sel, y délayer au centre l'huile, les œufs et le lait afin d'éviter les grumeaux. Puis laisser reposer deux heures ». Nicole suit donc sa recette en ajoutant sans cesse des pointes d'a bisto de nas, surtout pour l'huile et le Grand Marnier. « Si tu ne laisses pas reposer la pâte, tu ne peux pas faire les crêpes c'est comme ça. » Alors pour patienter, nous passons à table.

Le cahier des ménagères de Nicole Galinier. © Justine Bonnery


Le Jardin de la Tour

« Vous voulez goûter le foie gras que j'ai fait pour mes copines ? », propose-t-elle à nos panses de goinfres. Nous sommes début janvier et pour s'assurer une année prospère, il est coutume de manger des lentilles avec un Louis d'Or dans la main. « Ça ne m'a jamais rien fait gagner mais bon. » Cette ripaille est l'occasion pour cette ancienne fleuriste à penchant pour les hortensias de nous apprendre qu'elle est « la première a avoir fait déplacer les Carcassonnais dans la cité en créant le restaurant Le Jardin de la Tour ». En 1976, elle achète la maison du comédien Jean Deschamps dans la cité et la transforme en restaurant. Ce n'est pas le premier établissement dans les remparts, mais pour la première fois « les Carcassonnais viennent habillés dans la cité ».

Les crêpes Suzette de Nicole Galinier. © Justine Bonnery


« J'ai beaucoup travaillé. Le matin je me levais de bonne heure. Maintenant tu peux tortiller du cul pour chier droit. » Sur cette digestion, Nicole se rétablit aux fourneaux et flanque quelques pirouettes aux crêpes pour la photo. Puis vient la mitonnade de la sauce Suzette. Il vous faut le jus et le zeste d'une orange (ou d'une mandarine), un « bon morceau de beurre » (d'après notre radar Nicole a dû en mettre entre 30 et 40 grammes), deux bonnes cuillères à soupe de sucre et une de Grand Marnier. Mélangez sur le feu afin que le beurre devienne pommade, le sucre caramel, la texture sirupeuse. De retour à table, aux effluves d'alcool se mêlent confidences et aveux charnels. Nicole verse la préparation chaude sur les crêpes aussitôt englouties. Celle qui aura ponctué ce repas d'une dizaine d'appels passe un dernier coup de fil. « Tu ne te fais pas trop chier ? Je vais t'amener des crêpes. Et ce sont les crêpes de l'École des ménagères ! »

Le salto de crêpe de Nicole Galinier. © Justine Bonnery



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